Comment maîtriser les risques de conflits et/ou leurs développements ?
La question du conflit et de sa gestion est récurrente en famille, dans les rapports sociaux, comme en management. En fait plusieurs problèmes s’entrecroisent, qui ne sont pas de la même nature :
Eviter les conflits
En sortir vainqueur ou pour le moins en bon état quand on ne peut y échapper.
Empêcher que des conflits pourrissent la vie d'un groupe et/ou le business dans une équipe.
Dans tous les cas, la fausse route, ou l’ornière, sont fréquentes. Et avec elles surviennent l’enlisement ou carrément l’aggravation du conflit.
C’est qu’il est difficile de maîtriser une chose vécue de façon émotionnelle, dont l’appréhension reste brutale et confuse.
Confiture et déconfitures
Opposition, conflit, désaccord, différend, affrontement… toutes ces notions sont mélangées.
Cette confusion est la cause première des difficultés rencontrées dans la résolution des situations conflictuelles. Il convient de la lever.
Le différend est une situation de fait qui marque la divergence d’intérêts entre deux personnes face à un objet quelconque.
Les deux convoitent la même place, prônent des solutions différentes à un même problème, sont en désaccord sur un prix, etc.
Mais rien ne les oblige à entrer en conflit !
Le conflit est un mode de relation qu’on choisit, parmi d’autres possibles, pour résoudre un différend.
On pourrait opter plutôt pour le partage, la négociation ou la confrontation.
Par nature, le différend est neutre ; le «mode» conflit, retenu comme moyen de traitement, est volontaire.
Composition ou opposition
On peut concevoir que les protagonistes d’un différend ne veuillent rien concéder de leurs objectifs respectifs. Auquel cas, ils ne pourront pas utiliser les modes dits de «composition» que sont le partage et la négociation.
Ceux-là supposent que les protagonistes sont prêts à composer avec les besoins de l’autre et donc à faire des concessions, spontanées ou raisonnées.
S’ils ne veulent rien lâcher, ils restent donc dans une opposition totale, chacun restant ferme sur l’intégrité de sa position, quoiqu’il en coûte à l’autre. Le but est d’avoir gain de cause.
Conflit ou confrontation.
Mais là encore, le conflit n’est pas automatique. Il leur reste le choix entre deux systèmes de comportement pour parvenir à leurs fins. La différence se joue sur les moyens utilisés.
Le conflit, par définition, est une pratique qui consiste à exploiter n’importe quel moyen dégradant (pour l'autre) pour gagner, sans que ces moyens n’aient un quelconque rapport avec l’objet du différend. Y compris les plus tordus.
La démarche conflictuelle vise plutôt à affaiblir la position de l’adversaire jusqu’à obtenir ce qu'on veut. C’est donc une méthode destructrice.
La confrontation est au contraire, une posture qui s’interdit de s’en prendre à l’autre, sa personne, ses ressources, ses intentions, etc.
Elle est fondée sur le respect de l’autre et sur la reconnaissance de sa légitimité a priori dans sa revendication.
Le «mode» confrontation :
se cantonne à l’usage d’arguments strictement liés à la nature du différend,
n’use ni de jugement, ni de procès d’intentions, ni de jeux psychologiques, ni de la menace, ni de démagogie, etc.
reste factuel, ou expose les ressentis de son auteur ; autrement-dit, il parle « sur soi » et non « sur l’autre »,
reste sur des formes de conduites polies et respectueuses.
Cela-dit, il reste extrêmement solide sur sa position et fait front sans rien céder.
La confrontation est donc une posture assertive.
Au niveau matériel elle peut aller jusqu’à une contrainte de corps ou une imposition réglementaire de la part de celui qui dispose d’une autorité formelle ou informelle (ex : police, parents, etc.).
On définit donc la confrontation comme l’action d’affirmer clairement et directement un désaccord face à un tiers.
Par essence une confrontation reste strictement sur l’objet du désaccord (arguments sur le sujet, ou actions dans le cadre d’intervention légitime) et dans des formes qui ne peuvent affecter la dignité, la position légitime ou l’état personnel du tiers.
Elle vise un double objectif :
la meilleure solution pour moi sans affecter la personne de l’autre,
la maintenance de la meilleure relation possible.
A l’inverse, au niveau matériel, le conflit peut aller jusqu’à des affrontements physiques ou des contraintes de corps abusifs, fondés sur des actes de dominance.
Par essence le conflit privilégiant le détour par la dégradation de l’état et des ressources de l’adversaire, les moyens employés n’ont rien à voir avec les caractéristiques de l’autre.
Ils sont déterminés par les limites de la morale propre à l’acteur : ce que lui-même pense pouvoir ou ne pas pouvoir faire.
C’est dire qu’en fonction des individus, ça peut aller très loin.
De plus dans ce type de mode on tend à justifier ses propres débordements par l’ignominie outrancière de l’autre…
C'est, par exemple, un phénomène assez couramment observable dans les divorces conflictuels.
Le plus acharné des deux se perd parfois entre la volonté de gagner pour se reconstruire, la vengeance et le désir de détruire l'autre finalement érigé en objectif unique et dévastateur.
Dans ce cas, le moyen (le conflit) prend le pas sur la raison et devient la finalité ultime.
Il emporte tout le reste comme un incendie, déclenché au départ pour éliminer de mauvaises herbes, qui finit par détruire la maison, ses occupants et l'environnement.
Au contraire, dans le cadre de la confrontation, le débat sur l’objet permet de définir clairement les limites de la résolution :
Le désaccord est insoluble en tant que tel : il convient donc de trouver une issue par la concession pure, la séparation, le transfert d’intérêt sur d’autres enjeux commun.
Le désaccord est soluble : il convient de négocier.
Dans tous les cas chacun écoute les arguments de l’autre :
sans les mettre en cause dans leur inspiration, leur recevabilité pour l’autre,
en les considérant à priori comme des éléments incontournables du débat,
sans en prêter d’autre à l’interlocuteur, ni délibérés, ni inconscients,
en les retenant et en y répondant sincèrement.
Une confrontation s’arrête donc rapidement dès l’épuisement des arguments nouveaux. Sauf à laisser place à la négociation.
Un élément de la solution se trouve souvent dans la prise en compte de données extérieures aux intérêts propres des deux protagonistes.
Par exemple, dans la cas d'un divorce qui risquer de tourner à l'aigre, les parents ont le choix entre deux options vis-à-vis des enfants :
s'en servir comme des armes à fourbir aux dépens de l'autre, quoiqu'il leur en coûte à tous points de vue,
se référer à leur intérêt supérieur pour gérer la résolution de leur désaccord : que les enfants conservent en parallèle d'excellentes relations avec leurs deux parents, qu'ils n'aient aucunement à prendre en charge le différend ni ses causes, ni ses effets, que leur confort de vie soit optimisé autant que possible dans la nouvelle situation.
Variations
Dans le cadre d’un conflit ordinaire, le débat sur l’objet est perverti par la méthode. Il est donc inutile, voire exclu : on rebondit sur des mots et non sur les raisonnements, on retourne des procès d’intention, on y mêle des agressions, on oublie, on interprète par malveillance des intentions ou des idées ; on cache ce qu’on pense, etc.
Le débat sur l’objet est circulaire, il éloigne de la solution, il alimente le conflit.
Mais le conflit s’arrête dès que l’un des deux a obtenu gain de cause sur l’objet visé.
Dans le cadre d’un conflit de personnes, le débat sur l’objet initial est progressivement remplacé par le désir de se réaliser au dépends du tiers. On veut le punir.
L’objet est perdu de vue, pour un transfert du conflit sur le champ de l’identité. Il ne s’agit plus d’obtenir quelque chose de l’autre mais de le faire perdre (lui en tant que tel).
Le conflit ne s’arrête pas avec le gain visé : il se poursuit jusqu’à la confirmation d’un surcoût pour l’autre, sensé compenser une appréciation intime du préjudice subi, dont la valeur augmente avec l'exacerbation progressive du conflit.
Dans le cadre d’un conflit dégénéré, l’objet initial n’est plus qu’un prétexte.
L’objectif d’une réalisation de soi aux dépends du tiers est lui-même remplacé par la volonté de sa destruction quelle qu’en soit finalement le coût, y compris pour soi-même.
Dès lors il ne suffit plus que l’autre « paye », il faut qu’il souffre, voire qu’il « meure » (même si je dois mourir avec lui, et aussi tous ceux qui lui sont attachés).
Il n’y a plus de limite de coût et le sabordage peut devenir un moyen ultime de la punition, nécessaire et irréductible pour arrêter le conflit.
Apprentissage
De nombreuses personnes, responsables ou pas, hésitent à "confronter" des comportements inadéquats ou à dire ce qu’elles souhaitent, car elles craignent les conflits.
En fait elles confondent l’affirmation d’un désaccord avec un conflit.
C’est le plus souvent parce qu’elles n’ont pas l’expérience de confrontations apaisées et assumées, ni de leur part ni de la part des tiers.
La confrontation est donc une pratique sociale, sous-tendue par une compétence, qui s’apprend. Elle est indispensable aux “métiers de la confrontation” tel que la police, le contrôle, le management, mais aussi l’assistance, voire le soin des malades.
Toutes les activités qui comportement des actes d’imposition sont au moins partiellement des métiers de la confrontation.
Conduites adaptées
Pour éviter le conflit. Aller tout droit à la confrontation. Y mettre les formes sans édulcorer le contenu. Ne pas s’en prendre à l’autre.
Résister au conflit (entamé par l’autre). Abandonner radicalement le débat sur l’objet. Confronter sur la forme.
Sortir du conflit (maintenu par l’autre). Quitter la situation dans tous les cas.
Assumer le conflit. On y est, on l'accepte, on s'y bat pour gagner. Cesser tout débat et passer aux actes. Agir par des mises en situation et des annonces.
Ne pas laisser à l’autre l’initiative de l’escalade.
Se libérer de tous scrupule que ne requiert pas l’autre pour lui-même.
Résoudre un conflit entre des tiers.
Ne pas prendre parti sur l’objet tant que les protagonistes ne sont pas revenus à un mode confrontation pure.
Ne pas lancer de « négociation » dans des conditions dégradées.
Ne jamais rien concéder, accorder, exécuter, enchaîner, suite à une information ou un entretien univoque avec l’un des protagonistes, sans avoir préalablement effectué une analyse exhaustive croisée de la situation.
Vérifier systématiquement l’état réel du mode confrontation/conflit tel qu'il est vécu des deux côtés.
Prendre parti sur la forme et sur le fond dans un conflit contre celui qui l’impose comme mode de relation.
Requérir sur la forme des deux côtés et sanctionner celui qui la transgresse.
Arbitrer seulement sur le champ où on dispose de l’autorité légitime sur les protagonistes.
Confronter et exclure les tiers non concernés qui participent au conflit ou se mêlent de le résoudre à leur manière.
Eloigner physiquement les protagonsites en cas de conflit de personnes avéré.
Ne pas laisser vivre un conflit de personnes. Séparer totalement en cas de conflit dégénéré.
Donner l’exemple des pratiques de confrontation.
Expliciter régulièrement les deux modes.
Le conflit naît souvent d’une confrontation qui n’a pas eu lieu ou est restée irrésolue…
Investissez dans la conduite des nécessaires confrontations pour ne pas avoir à traiter laborieusement des conflits qui, au mieux, ne laissent jamais personne indemne.
Quand on est pris dans un conflit malgré soi :
Règle n° 1 : mélanger les deux modes revient au mode conflit Règle n° 2 : il faut choisir sa stratégie et s’y tenir : céder, abandonner ou confronter Règle n° 3 : ne jamais débattre sur l’enjeu sous la pression du conflit Règle n° 4 : oser affronter les conduites conflictuelles de l’adversaire dans tous les cas Règle n° 5 : savoir mettre un terme à la relation Règle n° 6 : au besoin, savoir entrer carrément dans le conflit
Différences entre conflit et confrontation.
| Conflit | Confrontation |
Objectifs | Satisfaction de son besoin explicite ; et plus, si possible, des gains aux dépens de l’autre. | Uniquement la satisfaction de son besoin. |
Champ d'interaction | Sans limites | Très strictement contenu dans le cadre des enjeux du différend. |
Modalités | Indéfinies, aléatoires, utilisées comme leviers du rapport de force. | Convenues. |
Besoins de l'autre | Ignorés, maltraités, volontairement contrariés. L’autre est un ennemi. | Conçus comme légitimes et respectés mais sans être pris en compte. L’autre est un adversaire. |
Moyens utilisés | Déstabilisation, affaiblissement, rupture des protections de l’adversaire. | Arguments sur le contenu. Droits et attributions. |
Forme de la relation | Jugements, insultes, menaces, atteintes à l’intégrité de la personne, procès d’intention. Procès d’incompétence. | Respect mutuel. Pas de jugement de valeur. On ne médit pas sur l’autre. Politesse. |
Intervention des tiers requise pour | Créer un clan, activer d’autres leviers, même totalement étrangers à l’enjeu. | Arbitrage éventuel. |
Responsabilité de la personne qui détient l’autorité dans les conflits entre membres d’un groupe : préconisations générales de conduite.
Ceci est valable pour les parents, les animateurs, les enseignants, les organisateurs, les manageurs, les encadrants, les formateurs...
Principe de base : d'abord soutenir systématiquement celui qui refuse le conflit.
Interférences et pressions de l’entourage Tenir à distance l’entourage. Dénoncer et combattre les prises d’intérêt périphériques. Recentrer le désaccord entre les protagonistes.
Les amener à être autonomes dans leur réflexion et leur prise de position. Évaluer soigneusement les offres de conciliation avant d’en permettre l’exécution. Prendre en mains l’arbitrage exclusif du différend.
Instabilité et confusion de la situation Les conflits se nourrissent des angoisses liées aux autres enjeux de la situation.
Lever systématiquement toutes les inquiétudes possibles dans la situation générale des personnes, y compris en période calme. Être régulièrement à l’écoute des préoccupations de toutes natures en permettant qu’elles s’expriment. Identifier les motivations accessoires dans un désaccord, les révéler et y répondre. Montrer par l’expérience que les autres modes de résolution permettent de mieux prendre en compte les besoins périphériques de la situation.
Surprise et urgence L’autorité est à la source des conflits quand elle tarde à informer les personnes concernées de ses intentions.
Prévenir le plus tôt possible les acteurs des éventuels enjeux à venir, en les impliquant dans la construction de l’alternative. Se déterminer nettement dans l’affirmation de l’enjeu et de sa résolution. Fixer de façon officielle l’échéance et la date de décision. Laisser du temps aux protagonistes entre l’annonce et l’échéance.
Equité La qualité et l’implication de l’autorité sécurisent les fonctionnements.
Arbitrer toujours au plus juste des intérêts réciproques, en référence à un enjeu précisément défini.
S’en tenir strictement aux mêmes modalités dans la gestion de tous les désaccords. Conduire les confrontations vers des résultats acceptables de part et d’autre, et les négociations vers des bénéfices partagés.
Empêcher les prises de dominance d’un protagoniste sur l’autre.
Conduite de l’autorité dans la gestion du conflit Ne jamais céder à la menace ou à la pression du conflit. Ne jamais se laisser déstabiliser par les agresseurs, même si l’agression n’est pas tournée vers le tenant de l’autorité. Résister aux tentatives de copinage, aux flatteries comme aux promesses, y compris quand celui qui les prodigue semble avoir raison sur l’objet.
Rester conscient en permanence de la puissance de sa posture en l’affirmant comme telle.
Le conflit est une mauvaise herbe qui s’épanouit souvent sur les terrains collectifs en friche, incultes, en déshérence d’un encadrement responsable.
Accompagnement possible
Si vous êtes impliqué∙e dans un conflit et que vous souhaitez vous en tirer du mieux possible, je peux vous aider, selon vos besoins, pour :
faire un point complet sur la situation,
évaluer les possibilités éventuelles de prise ou de reprise d'influence : infléchir la conduite et/ou les motivations de l'autre, celles des autres tiers impliqués, les conditions externes, les données périphériques...
réviser vos objectifs pour les adapter du mieux possible aux nouvelles données,
élaborer un programme tactique et stratégique adéquat et à votre portée,
optimiser toutes vos communications,
mettre en oeuvre des actions efficaces, voire radicales, vous permettant de l'emporter complètement face à un protagoniste prêt à utiliser tous les moyens y compris les plus immoraux ou les plus toixiques,
sortir rapidement d'une situation éprouvante et dégradante, retrouver votre sérénité et reprendre le fil de votre vie,
instaurer les bases d'une nouvelle relation pour vous protéger (et éventuellement d'autres avec vous ) d'une reprise des hostilités.
Dans tous les cas, vous conservez la maîtrise de vos objectifs, de vos engagements dans une approche ou une autre et des moyens que vous souhaitez retenir.
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