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Crise de confiance dirigeants/cadre-expert : vers le licenciement !

Dernière mise à jour : 25 août 2022

Les belligérants de conflits avancés entre experts et dirigeants me sollicitent pour des problématiques similaires et évidemment pour des objectifs opposés :

  • comment se débarrasser du gêneur toxique ?

  • comment consolider sa position dans l'entreprise ?

Mais le plus souvent ce sont les salariés qui font appel à moi.


La plupart du temps il s’agit de cadres de haut niveau très expérimentés, eux-mêmes excellents techniciens dans leur domaine, ayant mis en place leur organisation, développé leur affaire, leur gamme ou leur secteur et généré une forte valeur ajoutée, attachés à la même entreprise depuis de nombreuses années.


Ils peuvent-être créateur historique, directeur commercial, responsable du R&D, chercheur leader, expert en charge du partenariat, animateur d'un club de leaders d’opinion ou de grands prescripteurs, spécialiste produit, concepteur, référent à l’international, développeur système…


Intouchables


Lorsqu’ils me contactent, le plus souvent, la situation est déjà délétère, la bataille engagée, encore feutrée ou récemment ouverte.

Ils peuvent être inquiets pour leur carrière, se sentir injustement étouffés et malmenés, voire inexplicablement menacés.

Dans tous les cas, ils perçoivent un recul insidieux mais sévère de leur position, se disent victimes de chicaneries hiérarchiques, en perte d’autonomie comme de reconnaissance, leur périmètre subissant des assauts d’ingérences multiples que les dirigeants semblent cautionner.


Ils ont également tous en commun de ne pas croire un instant qu’ils puissent être licenciés.


Leur position leur semble fondamentalement inattaquable tant leur valeur personnelle est forte, tant leur affaire est intimement dépendante de leur compétence pointue, de leur connaissances des rouages et des paramètres spécifiques du business, comme de leur implication particulière.


Ils me demandent donc de les aider d’un point de vue tactique et stratégique à reprendre la main, faire entendre raison à leur hiérarchie, identifier et dénoncer la source de leurs déboires, bloquer les collègues invasifs, et parfois même obtenir des progressions significatives dans leur carrière et/ou leur statut, les mettant définitivement à l’abri des intrusions.


Leur personne physique et leur « personne fonction » sont systématiquement fusionnées dans une personne pro-perso intégrée.

Dire qu’ils prennent à cœur tout ce qui leur arrive au plan professionnel est un doux euphémisme.


Le moindre incident dans leur activité les affecte en profondeur. Ils sont leur travail et leur job remplit l’essentiel de leur existence.

Ils mesurent leur valeur propre à leur notoriété professionnelle et à la richesse substantielle de leurs attributions.


Mettre en doute leur compétence est considéré par eux comme une agression odieuse et violente. Ils tolèrent extrêmement mal la plus petite remise en cause d’une option qu’ils ont prise dans leur domaine.


Ils partagent enfin des modes de communication pour le moins pointus avec leur hiérarchie ou leurs donneurs d’ordre, parfois très conflictuels avec tous ceux qui paraissent empiéter sur leurs fonctions ou leur périmètre.

Ils diffusent volontiers leur mécontentement, surtout auprès des personnes d’influence qui veulent bien les entendre.


Il est très fréquent qu’ils tentent de sauter l’échelon immédiat de leur hiérarchie N+1 pour trouver des appuis ou des validations au plus haut niveau.


Leurs réactions, rapides et vives, sont fournies, argumentées, prégnantes ; le ton est amer, acerbe. Les jugements qu’ils portent verbalement sur les acteurs présumés hostiles ne font parfois pas dans la dentelle.


Se sentant agressés, ils sont blessés, en colère et leur bataille ressemble à une croisade pour la justice, le bien de l’entreprise, la reconnaissance du professionnalisme et du mérite.

Ils vivent la restriction de leur autonomie comme une humiliation, une sujétion, un déni de ce qu’ils ont apporté autant que de l’exceptionnelle valeur personnelle qu’ils ont prouvée depuis des années.


Ils sont souvent ulcérés de voir des cadres non-experts (qu’ils ont parfois formés) les dépasser dans la promotion, voire se hisser dans leur management supérieur.

Ils les considèrent souvent comme des parvenus plus compétents dans l’art de faire la cour que dans la compréhension des affaires. Ils les méprisent et ne se privent guère de le faire savoir.


Victimes ? jalousie ? parano ?


Ils interprètent leur difficulté ou leur disgrâce en composant plusieurs hypothèses récurrentes.

De sombres raisons financières à courte vue prendraient le pas sur la raison de la valeur, du développement, de la qualité.

D'après leur narration, leurs patrons semblent trouver qu’ils coûtent trop cher, que leur secteur est pléthorique et trop dépensier, que leur rendement (peu évident) ne justifie plus leur coût prohibitif pour une mise en place déjà réalisée.


Désormais, selon eux, leur affaire tourne puissamment, elle est entrée dans les usages. D’après les dirigeants elle ne nécessiterait plus le management d’un expert pointu et créatif. L’expert créateur développeur devrait passer la main.


La gouvernance, au gré des rachats et des restructurations, aurait perdu de vue ce qui fait la puissance commerciale de la boutique : la substance du produit ou de la prestation, l’innovation, la profondeur des liens construits sur la durée, la dynamique des équipes...


Elle serait désormais obsédée par une pure logique financière, considérant que les marchés sont acquis, que les process et l’optimisation des organisations devraient suffire à conforter le développement.


Notre expert apparaîtrait désormais comme un empêcheur de « stratégifier » en rond, dénonçant les dérives tacticiennes et comptables, contestant la casse des compétences, des unités efficaces, l’abandon des voies prometteuses.

Il faudrait le faire taire et rentrer dans le rang afin d’avoir les mains libres pour de basses manœuvres politiques et carriéristes juteuses, aux antipodes des intérêts objectifs et de la pérennité de l’entreprise.


Autour d’eux, des manageurs d’autres secteurs, jaloux de leurs prérogatives et désireux de développer leur pouvoir, tenteraient d’envahir leur territoire et comploteraient pour les réduire, les dénigrant en toutes occasions, déstabilisant leur équipe par des provocations et des conflits répétitifs, s’appropriant des sujets ou des dossiers qui relèveraient de leur responsabilité, courtisant leurs partenaires historiques, sabotant leurs réalisations, pratiquant la désinformation…


Ces détracteurs auraient la dent d’autant plus dure qu’ils ont été fermement tenus à distance durant des années, nécessairement critiqués (justement évidemment) pour leur incompétence, leur cupidité, leur expansionnisme, la bêtise de leurs propositions, leur incurie.

Ils se vengeraient d’avoir été dominés dans les présentations, les réunions…


Face à cela, la hiérarchie directe, dépassée par la compétence exceptionnelle de l’expert, dépendante de lui et ayant du mal à s’affirmer en sa présence, laisserait faire, en espérant plus ou moins sournoisement que ces attaques répétées finissent par le fatiguer et le rendre plus malléable.


Puis elle se laisserait séduire par les sirènes de la médisance, soutenant ouvertement la promotion de tel ou tel qui affirmerait parvenir à soumettre le récalcitrant.


De nouveaux dirigeants, ou des anciens désormais mal inspirés, absorbés par des préoccupations qui les éloignent de l’intelligence des affaires, peu perspicaces (sinon stupides), ne comprendraient plus les vrais ressorts de l’activité concernée.


Amadoués par la maniabilité des concurrents ou par l’obséquiosité des ennemis de notre expert, ils favoriseraient ces derniers afin de satisfaire leur égo de patron, et également mieux asservir un secteur très valorisant, leur permettant de briller personnellement dans les conventions, les relations internationales, les négociations de haut vol…


Le discrédit de l’expert serait donc le résultat d’une malencontreuse et affligeante combinaison d’inconséquences et de machinations, qu’il conviendrait de démasquer afin de rétablir la vérité, le bon droit et les conditions de la réussite.


Le chemin du Raz-le-bol !


Naturellement le point de vue des dirigeants est aux antipodes.

J'ai pu relever les mêmes ressorts dans les quelques cas où j'y ai eu accès.


Aux débuts, l’expert concerné est très apprécié pour sa valeur ajoutée. On lui laisse les mains libres en constatant les bénéfices importants que sa contribution génère. Il est promu, valorisé, reconnu. De fait les dirigeants sont même un peu surpris par son efficacité et son apport en substance.


C’est la lune de miel. Elle a pour premier effet d’inscrire le champion dans une longue ligne droite de certitude quant à l’indéfectibilité de sa valeur.


Ensuite, ça se gâte doucement. Il est tellement certain de sa qualité propre, et surtout de la force exceptionnelle de ses propositions, de ses réalisations (il y a souvent de quoi effectivement), qu’il tend à se rendre incontestable.


Qu’il ait tort ou raison, c’est extrêmement mal perçu par ses patrons. Ils ont le sentiment de ne plus avoir voix au chapitre, que toutes leurs suggestions sont automatiquement rejetées pour peu qu’elles divergent de son avis.

Il est désormais considéré comme un « sachant » psychorigide, tyrannique, vaniteux, paranoïaque, encombrant et désagréable,... usant.


Plus grave : sans s’en rendre compte, il commet à leurs yeux un virulent déni d’autorité.

Dans sa bulle, dans son champ, il sait bien mieux qu’eux ce qui est juste, bon, pertinent, opportun…

Il s’est octroyé un niveau d’indépendance ultime tel qu’il maîtrise à la fois ses engagements, sa politique d’activité, ses objectifs, sa stratégie, ses méthodes, son recrutement...


Gare à quiconque voudrait s’en mêler !

Il défend bec et ongles son pré carré, interdisant qu’on approche ses partenaires, clients, contacts, sans passer par sa permission et ses fourches caudines.


D’après son entourage, il croit détenir LA vision. Il produit les seules analyses pertinentes, ses diagnostics et ses pronostics sont irréfutables, il sait ce qu’il faut faire, il sait le faire, et ne laisse personne d’autre y toucher. Il est autonome en tout. Quasi indépendant.


Pire, il fait savoir à tous ses interlocuteurs qu’il a le mérite exclusif de tout ce que lui-même, son unité, son équipe, produisent ; laissant entendre dans bien des cas que cela s’effectue sans ou malgré les dirigeants.

De facto, il les traiterait d’imbéciles, ça ne les affecterait pas autant.

Vu de leur fenêtre, il s’est constitué un Etat dans l’Etat.


Les membres de son équipe, qu’il a formés, qu’il valorise, qu’il protège, l’estiment énormément. Ils résistent à toutes les demandes qui ne passent pas par lui, l’informent de tout, épousent ses valeurs, ses combats, ses engagements, ses modes de communication, ses amitiés et ses inimitiés.


Ils apparaissent alors comme une garde prétorienne particulière, plus loyale envers lui que solidaire de l’entreprise.


C’est un électron libre, il a inversé les rôles. Ses dirigeants en sont réduits à batailler longuement avec lui, tout en le prenant avec des pincettes, pour obtenir la moindre inflexion dans ses choix, ses pratiques, ses efforts.


Ne pouvant plus rien lui imposer, sauf à se contraindre à d’interminables et cauteleuses guerres de tranchées, ils se sentent dépossédés de leur position régalienne.

Leur vécu est de se voir disqualifiés, presque humiliés dans leur rôle !


L’image qu’ils ont de lui est d’autant plus négative qu’il est péremptoire, se montrant incisif, portant des jugements acérés sur les compétences, les intentions, les conduites des autres.


Ils devinent qu’eux-mêmes peuvent en être la cible en aparté, auprès de clients, de partenaires, de prestataires, de contacts divers.

De fait, certains tiers ne se privent pas de leur en faire des retours circonstanciés, dont l’accumulation est particulièrement douloureuse.


Considérant comme abusive et intrusive toute discussion de ses positions, actes, conduites, méthodes…, notre expert se fait une foule d’ennemis.

Y compris parmi ceux qui, étant neutres a priori, souhaitaient coopérer autrement qu’en prenant la leçon ou se pliant à des injonctions méthodologiques ou technologiques, reçues comme des dictats condescendants.


Certains (il y en a toujours) se font une spécialité de tendre une oreille complaisante aux récriminations de l'expert, pour les rapporter ensuite à qui de droit. Pour peu qu’on lui laisse accroire qu’il a raison, il ne s’en méfie pas et se livre volontiers aux écoutes perfides.


L’ensemble du staff, hiérarchie comprise, estime à divers degrés qu’il est parano, qu’il a un ego démesuré, qu’il fait un complexe de supériorité, ou quelque chose comme ça.


Comme il a tendance à dramatiser les transactions délicates, ceux qui ne le supportent plus en profitent pour creuser le sillon en offrant des caisses de résonnance à ses imprécations, noircissant un tableau qui finit par exaspérer totalement les patrons.

Il devient, à son insu, un sujet de conversation consensuel et universel.



Viré !


Il est désormais mûr pour être banni. Selon les cas, la vérité est diversement composée entre les deux points de vue.

Mais à tous les coups, si le managé expert ne change pas radicalement d’attitude avant que la crise ait franchi un seuil critique, il se retrouve nécessairement dehors !


Quoiqu’il leur en coûte, faute de pouvoir imposer leur volonté, les gouvernances décident toujours de se séparer du perturbateur.

Le conserver serait un défi à leur pouvoir, à leur latitude politique et stratégique, une épine dans leur pied, toxique pour leur posture et leur image globale.


Les inconvénients financiers, techniques, sociaux à une rupture, ne pèsent pas lourd dans le calcul.

S’il faut payer ce prix pour s’en débarrasser, elles s’y résolvent sans hésitation, dès lors que la crise est consommée. Les moyens de l’entreprise y pourvoient.


Au bout du compte, ce n’est pas sans un certain soulagement qu’elles lui administrent ainsi une leçon dont elles rêvaient depuis longtemps.


Peu importe en l’occurrence qui a raison et qui a tort, la situation est par essence inéquitable.

C’est ainsi, le pouvoir est dans les mains des dirigeants. C’est, entre autres, justement à cela qu’il leur sert. Ils en font usage dès qu’ils ont la conviction que c’est la seule issue pour avoir le dernier mot.


Leur seuil de tolérance est atteint dès l’instant où ils constatent, lors d’un différend, leur impuissance à obtenir un accord simple, une réaction d’obéissance ordinaire.

Plus précisément, leur exaspération devient totale (et irréversible) lorsque le blocage s’exprime dans deux dimensions.

  • L’expert ne leur fait aucune concession, il ne lâche spontanément sur aucun sujet de désaccord, petit ou grand. Non seulement il ne plie pas de lui-même dans certains débats, mais il insiste et veut convaincre à toute force sur tous les paramètres qui touchent à sa zone.

  • Le temps, la réflexion, les arguments, ne changent rien à l’affaire. Il ne régule pas ses positions. Il cède et se conforme sous la pression et l’obligation, mais il ne « deale » pas. Il ne compose pas. Si le sujet revient sur le tapis, pugnace, il se glisse dans l’ouverture et reprend les mêmes discours.

Parfois, la détermination des dirigeants est encore renforcée par la redondance de signaux «juridiques» émis par l’expert.


Il ne discute pas seulement sur le fond, la technique, l’organisation, les affaires…

Il cherche à utiliser des leviers statutaires, administratifs, faisant appel à la loi, la règle, la morale, le droit, évoquant des notions d’abus, de harcèlement, usant de tournures de langage semblant sorties de la bouche d’un avocat.


S’attendant à une possible déclaration de guerre, n’ayant plus de prise sur lui, leur religion est alors faite.

Et quand bien-même il reculerait sur un dossier ou plusieurs, ils en ont carrément marre ! L’expérience montre qu’ils ne reviennent jamais en arrière de cette décision.


La direction bascule alors définitivement et entame une démarche pour le licencier.

Craignant ses capacités conflictuelles, elle peut opter pour deux options tactiques :

  • Le licenciement immédiat sous le premier prétexte venu, quitte à se débrouiller plus tard des effets juridiques et financiers. Ouf ! La direction sait que la guerre peut durer des années avant d’avoir à payer d’éventuelles indemnités. C’est le licencié qui en souffrira. Peut-être lâchera-t-il…

  • Plus fréquemment, une longue préparation secrète, en usant de tous les moyens possibles pour le piéger discrètement à son propre jeu, en multipliant les provocations insidieuses afin de l’amener à hausser son niveau de récrimination jusqu’à un seuil difficilement défendable devant un tribunal de prud’homme… Ce faisant, soufflant le chaud et le froid par des voies et des voix différentes, elle s’attache surtout à l’entretenir dans la certitude d’être indéboulonnable jusqu’au dernier instant. Ça n’est pas très difficile. En parallèle, elle déploie une réorganisation permettant d’absorber sans dommage, en temps réel, les impacts de sa disparition.

Il est à la rue !


Aucun expert ou cadre supérieur réputé incontournable n’est véritablement indéracinable.


Il m’est évidemment impossible de raconter ici le contenu des histoires que j’ai pu suivre.


Experts potentiellement concernés, convaincus de votre inaltérable position, si vous connaissiez les profils et les standings de ceux que j’ai vu tomber, jetés comme des malpropres, vous seriez atterrés.

De grâce, atterrissez, descendez de votre piédestal !


Jusque-là notre expert était déjà en souffrance, mais ce n’est rien à côté de la monstrueuse déflagration que constitue son licenciement, d’autant plus violente qu’elle l’atteint au cœur de son identité, de son système d’appartenance, des clés les plus intimes de son échafaudage de valorisation.

Il est désintégré, anéanti.


Il ne comprenait pas les ressorts objectifs et subjectifs de sa situation précédente, il ne peut rien comprendre à ce qui lui arrive.

Il vit cela comme une aberration, une erreur inconcevable, un inimaginable complot, forcément le fruit d’une perversion inouïe dans le système de gouvernance de son ex-employeur.


La douleur est jour après jour aiguisée par la découverte que, finalement, plus personne ne l’attend.

Son expérience, ses formidables réalisations ne valent strictement rien sur un marché du travail (restreint dans son domaine), réfractaire aux licenciés, aux « vieux », aux experts trop typés ou marqués par la concurrence.

Il ne parvient pas à rebondir, ni comme salarié, ni comme conseil. C’est un trou noir.


A sa très grande surprise, son ancien entourage professionnel ne le connait plus, ses partenaires « amis fidèles », ceux qu’il a « créés » pour l’entreprise, sont passés à l’ennemi sans l’ombre d’une émotion.


Il n’avait jamais réalisé qu’il n’était que le vecteur de service entre l’entreprise et la matière, les projets, les contacts, le marché.


L’attachement que les tiers lui montraient était essentiellement motivé par l’accès qu’il leur fournissait aux moyens, à l’exposition, aux bénéfices, aux avantages, générés par l’entreprise.

Certes, ils l’appréciaient à titre personnel, mais seulement comme truchement d’activité, de notoriété et de profit.


Il plonge au plan économique, il est brutalement isolé, et ne conserve que de très rares appuis affectifs privilégiés dans le meilleur des cas. La chute est vertigineuse au plan de ses relations sociales.


Naguère il racontait ses exploits, faisait des envieux par la combinaison originale de sa stature, de sa rémunération, de sa créativité, de sa réussite et de l’exercice de sa passion.

Désormais il n’a plus rien d’autre à raconter que son inexplicable déchéance tout en devant taire un déclin irrépressible.


Rétroactivement, s’il avait su, il aurait peut-être pu s'accommoder de sa position, bancale, un peu frustrante, mais où il existait, où il conservait la maîtrise de ses objets favoris, où la pérennité de sa carrière était confortablement assurée jusqu’à une retraite pas si lointaine.


Il est d’autant plus abasourdi et perturbé qu’il n’a pas vu venir le coup. Plus tard il se dira amèrement qu’il n’a pas su le prévenir, qu’il n’a pas été assez malin. Intelligent ?

Quoiqu’il incrimine vertement l’abjection de ses ex-patrons, il n’échappe pas à la croissance d’un sentiment de culpabilité.


Certes, il s’est fait avoir, mais comment aurait-il pu faire autrement pour rester, défendre sa place et leur tenir la dragée haute ?

Percevant confusément qu’il n’est pas très fort dans les jeux tactiques (plutôt fier d’être tout d’une pièce), il s’interroge cependant sur les leviers qui lui auraient permis de s’accrocher.


Refaire l’histoire.


En pratique, c’eut-été possible, sans pour autant y perdre son âme.

Tout d’abord, il eut fallu qu’il s’y prenne très tôt. En général, au moment du licenciement, la coupe est pleine depuis plus d’un an. L’hypothèse de son licenciement est apparue au moins dix-huit mois auparavant.


Elle s’est consolidée tous les jours, à l’occasion de tous les incidents. Chaque échange un peu vif ou aigre lui donne corps, jusqu’à en faire une nécessité évidente.

Comme une plaie, déjà profonde, qui se creuse et empire à défaut d’être soignée.


Sachez-le, dès que l’idée de la séparation est née chez les dirigeants, la pente fatale est amorcée.


Elle aboutira dans presque tous les cas, d’une façon ou d’une autre. Il devient désormais extrêmement difficile d’y échapper malgré des efforts conséquents.


L’unique solution fiable est de s’y prendre bien en amont. Encore faut-il supputer que le problème se pose ! C’est le nœud gordien de l’affaire.

Car c'était déjà au faîte de sa splendeur qu'il devait s'en inquiéter.


Malheureusement, dans la période où il pourrait être efficace d’infléchir radicalement son comportement, la personne concernée est à mille lieues d’imaginer le désastre qui couve. Elle le nourrit.


La nature même des ressorts qui l’animent, et qui sont potentiellement à l’origine de son infortune, lui interdit toute lucidité.

La survalorisation de sa personne professionnelle cause sa défaveur et, simultanément, inhibe en lui toute voie d’analyse.


Il est condamné si personne n’attire son attention sur la réalité du risque.

C’est ce que je tente de faire ici, pour ceux qui se reconnaîtront, pour leurs collègues, clients, manageurs, amis, conjoints, proches, ou même coachs, qui pourraient les alerter utilement.

Vous voulez un repère d'alerte ? Le voici : c'est la puissance elle-même de sa position !


Quoi faire ? Profil bas sur le long terme !


On peut ébaucher ici les règles élémentaires de la pérennité dans un emploi exposé de ce type :

  • Conserver un dégagement personnel absolu, ne pas mélanger pro et perso

  • Ne jamais critiquer personne, vis-à-vis de quiconque.

  • Rester affable en toutes circonstances.

  • Ne pas se plaindre de sa situation, poser ses demandes en toute simplicité.

  • Ne pas se comparer. Ne pas entrer en concurrence.

  • Ne pas se faire mousser, ni valoriser ses réalisations.

  • Se conformer dans tous les cas, en toute sérénité.

  • Respecter absolument le périmètre de sa hiérarchie.

  • Ne jamais contester les décisions supérieures, ni de face, ni de flanc. Ne pas les commenter.

  • Ne jamais discuter les options politiques, stratégiques, structurelles,

  • Ne jamais utiliser des arguments moraux ou réglementaires pour obtenir quelque chose.

  • Donner son avis une fois sur chaque sujet, argumenter factuellement sans insister.

  • Laisser sa hiérarchie intervenir dans son périmètre. L’y accueillir.

  • La valoriser sur ses propres réalisations.

  • Toujours trouver quelque chose à prendre dans les propositions des tiers.

  • Laisser courir toutes les opinions, critiques, commentaires, sans bouger un cil.

  • Permettre et gérer des accès partiels aux secteurs périphériques dans son propre périmètre.

  • Afficher sa sérénité en toutes circonstances.

  • Ne jamais participer à aucun conflit.

A défaut de pouvoir agir sur son entourage et surtout sur sa hiérarchie, ceci étant une pure illusion, il est possible d’agir sur soi-même. C’est le meilleur et le plus puissant outil dont on dispose.


Il n’existe aucune solution tactique à un conflit avéré avec ses dirigeants. On a perdu d’avance.


Il ne s’agit ni de s’abaisser, ni d’avaler n’importe quelle couleuvre. On peut être ferme, assertif, tout en restant neutre et « cool ».

L’expérience montre que les acteurs qui se tiennent strictement à ce modèle de conduite, disposent d’une très puissante réserve de prise d’influence aux rares moments où il convient de montrer sa détermination.

Les gouvernances ne sont magnanimes qu’avec les éléments qui leur procurent un réel confort au quotidien.


Il ne faut jamais oublier qu’on n’est pas propriétaire de son unité, de son business. Quand bien même on l’a créée, on n’en reste que l’animateur.


D’ailleurs, tous ceux qui ont été remerciés ont pu constater que l’entreprise n’a aucune difficulté à la faire tourner sans eux.


Aucun manageur ni expert n’est légitime à faire de "son" affaire un no mans land, un espace réservé et exclusif.

C’est une faute au regard des fondamentaux de l’entreprise et la pire erreur à commettre contre soi-même.


Certes, les dirigeants peuvent faire des erreurs, mais c’est leur boulot de faire des choix. Tant qu’ils ne nous donnent pas la main pour les corriger, il est hors de question d’en débattre et plus encore de les juger.

L’entreprise n’est pas un univers démocratique.


Accompagnement de crise


Au-delà de ces préconisations très génériques, chaque situation mérite un examen particulier et une réponse ajustée. Evidemment, je peux intervenir d’un côté comme de l’autre. Dans tous les cas, lorsque j’en ai l’opportunité, je parviens à faire sensiblement bouger les lignes, parfois radicalement.


Mais le plus efficace s’avère être une position médiane, à la demande de l’employeur et en accord avec le salarié, pour élaborer de conserve les conditions optimales d’une collaboration refondue et rafraîchie sur des bases plus claires, plus saines, en adéquation avec les évolutions de l’entreprise.


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